Patrimoine pastoral

Le tissage traditionnel au sud-est tunisien
Savoir-faire et dynamique social

Le tissage traditionnel constitue un élément fondamental de la culture matérielle et immatérielle tunisienne, en particulier au centre et au sud du pays. Il demeure une activité importante  donnant lieu à une large variété d’articles qui touchent à divers domaines de la vie des communautés, groupes  et individus: couvertures, costumes, tapis ras  décorés de bandes parallèles de type "Klim" et "Margoum" et objets décoratifs.

Cet artisanat est attesté depuis la plus haute antiquité comme en témoigne la mosaïque dite de "la fileuse" datant de près de seize siècles, trouvée récemment Tabarka au Nord-Ouest du pays.
Le tissage  traditionnel n'est que la partie visible de toute une culture et d'un écosystème beaucoup plus vaste, car il s'est développé dans le cadre d'une société pastorale veillant à l'élevage bovin, caprin et camelin, qui fournit le fils de tissage. En effet, tout commence par la laine obtenue, le plus souvent, de la tonte (zez) qui s'effectue au printemps dans une ambiance festive marquée par plusieurs rites. 

Pour passer de la toison au produit fini, la laine doit franchir toute une série d'étapes de transformation: le tri, le lavage et le cardage qui se réalise avec une paire  des cadres à main.                                         
Puis vient le filage qui consiste à étirer et tordre les fibres de laine, afin d'obtenir un fil continu et régulier.   
Précédé, parfois, par une teinture végétale des laines, le processus opératoire  du tissage proprement s’appuie sur le métier à tisser. Au Sud tunisien, il existe deux types de métier à tisser: métier à tisser vertical qui est le plus répandu  et utilisé, généralement par les femmes, et métier à tisser horizontal, devenu peu courant, qui est lié plutôt aux hommes.
Pour parvenir à confectionner des pièces tissées, on a recours à une technique ancestrale qui consiste à entrecroiser les fils de trame et les fils de chaine. A l’aide d’un bâtonnet effilé et dur, la tisseuse passe ses doigts entre les fils de chaine pour aplanir les fils de trame afin d’ajuster les duites.  

Quant au registre décoratif, il est caractérisé par ses formes géométriques comme  les triangles, les losanges et les chevrons, qui sont agencés selon une combinatoire fondée sur  des principes plastiques partagés et jalousement conservés dans la mémoire collective. 
Marqué par l’entraide familiale et la cohésion sociale, le tissage couvre une large gamme de produits où chaque  objet est porteur d’une identité, qui vient de la tisseuse en tant qu’individu et en tant que membre d’une communauté.
La transmission des savoirs et savoir-faire  liés au tissage appartient au système éducatif traditionnel où chaque famille tient à ce que sises filles apprennent  cet artisanat. En outre, des associations de la société civile et des groupement coopératifs se sont engagés, ces dernières années, dans ce  processus à travers des altiers de formation destinées aux jeunes filles.  Cette dynamique autour du tissage se traduit   également dans la présence si remarquable des tisseuses dans les foires, les festivals et les manifestations de promotion et de mise en valeur des produits artisanaux.

En plus de mesures de sauvegarde planifiées et réalisées par les instances étatiques concernées, des initiatives ont été prises par plusieurs ONG  en vue de renforcer la visibilité du tissage local et régional et contribuer à sa valorisation comme générateur de développement durable et marqueur culturel favorisant la cohésion sociale.

Imed  B. Soula 
Anthropologue          
Directeur de recherche à l’INP

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Bibliographie

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Ressources naturelles et culturelles, milieux et développement local Camagni (R.), Maillat (D.), Matteaccioli (A.) (Dir) 2004 Neuchâtel
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